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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 13:12

Rassembler les compétences du groupe Fayat dans les travaux publics pour être plus fort sur le marché des grands projets d'infrastructures en France et à l'international : telle est l'ambition du regroupement des entreprises Razel, Bec, Fayat TP et Cari Travaux Publics dans un même pôle dénommé « Razel-Bec ».

 

Laurent Fayat, directeur général de Fayat et président de Razel, et Jérôme Perrin, directeur général de Razel et futur directeur général de la nouvelle entité, détaillent pour Le Moniteur les raisons de cette fusion et les ambitions du groupe. Fort de 5 400 collaborateurs, Razel-Bec pèsera environ 800 millions de chiffre d'affaires en 2012.

 

Vous structurez un pôle travaux publics baptisé «Razel-Bec» au sein de Fayat. Quel sera son périmètre ?

JP – Comme son nom l'indique, ce pôle rassemblera les entreprises Razel et Bec. Mais il intégrera aussi Fayat TP et l'activité travaux publics de Cari. Ce nouvel ensemble devrait réaliser environ 800 millions de chiffre d'affaires en 2012 et sera un acteur important dans tous ses métiers.

 

Pourquoi ne pas avoir structuré ce pôle avant ?

LF - Par expérience, nous savons qu'un rapprochement rapide crée un choc difficile à gérer. Nous l'avons mesuré lors de la fusion d'Intrafor (acheté à Bouygues en 2003, ndlr) avec Sefi. Les acquisitions de Bec Frères en 2001 et de Razel en 2008 ont été structurantes pour le groupe Fayat au niveau national. Toutes deux ont une culture d'entreprise assez similaire et font quasiment les mêmes métiers. Mais, elles étaient de fait partenaires sur certains grands projets (réacteur Jules Horowitz à Cadarache, aménagement du barrage sur le Rizzanese en Corse, deuxième phase de la LGV Est...). Le système a atteint ses limites. Au moment où la compétition est rude et les prix bas, nous devons gagner en efficacité sur les grands projets. Nous avons laissé le temps aux équipes de mûrir cette évolution. Le temps est maintenant venu d'aller plus loin dans l'intégration.

 

Quelle forme prendra cette opération ?

LF - Tout d'abord une cession partielle de fonds de commerce de Cari TP à Razel s'est effectuée le 1er octobre 2011. Puis une fusion-absorption de Bec par Razel aura lieu début février 2012 avec effet rétroactif au 1er octobre 2011, date de clôture des comptes. La nouvelle organisation comportera 7 directions opérationnelles : nord, sud, génie civil et ouvrages d'art, infrastructures linéaires, grands projets export barrages et souterrains, Afrique, développement durable ainsi qu'un secrétariat général. Elle se met en place progressivement sur le terrain. Une nouvelle identité visuelle sera déployée à compter de février 2012.

 

Prévoyez-vous de réduire vos effectifs ?

JP - Non. Il n'y aura pas de licenciements. Le carnet de commandes de Razel-Bec nous assure une bonne visibilité. Il s'établit à 1,1 milliard d'euros, soit 16 mois d'activité. Le rapprochement va permettre des redéploiements et offrir des opportunités nouvelles d'évolutions de carrières à nos salariés. Nous voulons capitaliser sur la notoriété de Razel et de Bec, notamment pour attirer les jeunes. Pour cela, il faut avoir une taille suffisante à l'export et être puissant en France.

 

Ce rapprochement modifie-t-il vos implantations locales ?

JP - Notre stratégie d'implantation locale reste inchangée. Nous ferons quelques ajustements à la marge pour que toutes nos agences régionales atteignent une taille critique. Les travaux de proximité représentent près de 50% de nos activités TP. Le chef d'agence reste un chef d'entreprise axé sur la stratégie commerciale locale. Il disposera d'un appui plus structuré pour les grosses opérations qu'il détectera. Nos équipes locales sont intégrées et polyvalentes, capables de réaliser des ouvrages de génie civil, de terrassement ou de VRD. Seuls les travaux souterrains relèvent d'une compétence nationale et ne seront pas réalisés par les agences.

 

Quel sera l'impact de cette fusion sur les autres entités du groupe, notamment Cari ?

LF - Cari a vocation à être une entreprise nationale de bâtiment, avec des implantations locales car le bâtiment est un métier de proximité. Au-delà, ce rapprochement va nous permettre de développer une offre commerciale globale avec les autres métiers du groupe (fondations spéciales, construction métallique et électricité notamment).

L'ensemble «Razel-Bec» doit-il renforcer ses activités industrielles, exploitation de carrières notamment ?

LF – D'abord, la fusion va mettre toutes les ressources en matériaux (carrières) dans une même main. Pour la suite, nous restons à l'affut mais les opportunités de rachat sont rares. Nous avons fait de l'intégration verticale là où cela était possible, à Bordeaux, Toulouse et Montpellier. Mais c'est un investissement lourd et à long terme.

 

Les travaux ferroviaires manquent-ils à la palette de vos activités ?

LF – Nous n'avons pas besoin d'être poseur de voies pour participer à de grands projets comme la LGV Sud-Europe-Atlantique puisque nous travaillons avec d'autres qui ont cette compétence. Côté projets de transport en commun, l'activité restera très porteuse pour nous encore en 2012 notamment dans les villes plus modestes avec des matériels plus souples et moins onéreux.

 

Etes-vous présent sur les marchés du nucléaire ?

JP – Nous travaillons sur le chantier du futur réacteur nucléaire Jules Horowitz à Cadarache. Nous y expérimentons les premiers bétons lourds autoplaçants avec le CEA. Nous gérons aussi le projet clé en mains Iceda (Installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés) pour EDF au Bugey. Et misons beaucoup sur les marchés de renforcement du parc existant ou de démantèlement, notamment via notre agence spécialisée, basée à Marcoule.

 

Quelles sont vos ambitions à l'international ?

LF – L'export est porté par Razel, qui y réalise 25 à 30% de son chiffre d'affaires, essentiellement en Afrique (Algérie, Cameroun, Niger, Mali, Guinée équatoriale). Nous avons désormais une présence permanente au Mozambique et ciblons l'Angola et la Côte d'Ivoire. Le pôle «travaux publics» grossissant, cette part d'activités va mécaniquement diminuer et notre ambition est de la faire remonter. Notre objectif est de réaliser au moins (25%) de notre activité à l'export en nous diversifiant. La route est notre métier de base mais nous voulons aussi développer l'industrie, le génie civil, les mines et tout ce qui est lié à l'urbanisation (alimentation en eau, énergie).

 

Quel est votre ressenti du marché national?

JP – Pour l'heure, l'activité est satisfaisante grâce aux grands projets. Cependant, le carnet de commandes à 12 mois se tend dans certaines régions, notamment dans le sud. Dans le futur, la tension risque d'être très forte après 2014 quand les lignes Sud Europe Atlantique et Bretagne-Pays de la Loire seront achevées. Car les «moyens nationaux» se déverseront alors sur le marché local.

 

Ce manque de visibilité impacte-t-il vos investissements en matériels ?

LF – Nous avons une certaine habitude de ces situations et nous faisons un mix entre achat et location. Mais notre métier d'entrepreneur consiste à prendre des risques. Nous venons d'investir 30 millions dans des matériels de grosse production.

 

La contrainte budgétaire peut-t-elle favoriser les partenariats public-privé ?

JP - Les PPP représentent 5 à 7% du marché total de travaux. Mais le financement privé des grands projets a des limites car les risques sont importants. Une répartition des risques plus judicieuse permettrait d'alléger les coûts et il parait normal que la puissance publique garde une part de risque. De plus, massifier la commande publique et procéder systématiquement par PPP peut amoindrir la concurrence et figer le marché pour une longue durée. Ce n'est pas forcément la solution.

 

Par quels PPP êtes-vous intéressés ?

LF - Nous sommes en capacité de répondre à des affaires de 300 à 400 millions d'euros. Mais notre cœur de métier reste les grandes infrastructures et le génie civil et notre valeur ajoutée, la conception-réalisation.

 

Seriez-vous tentés de vous rapprocher de partenaires financiers?

LF - Nous tenons à notre totale indépendance. A chacun son métier. Les financiers investissent ou prêtent. Nous construisons, avec notre bilan et nos moyens. Entre parenthèse, je ne comprends pas la logique du Fonds stratégique d'investissement qui investit dans des ETI du secteur. Cela est de nature à fausser la concurrence dans un secteur, par essence, non délocalisable.

 

Quel regard portez-vous sur les pratiques en marchés publics ?

LF - Je dis qu'il faut lutter contre la dérive de la forfaitisation des marchés publics, dangereuses pour les petites entreprises. Le marché à bordereau de prix est une protection pour l'entreprise. N'allons pas à l'encontre de nos intérêts sous prétexte de lutter contre les prix bas. Pour réussir un projet, la confiance avec le maître d'ouvrage est essentielle.

JP - Et arrêtons de modifier sans cesse le code des marchés publics. Le choix du mieux-disant était une grande évolution. Mais les formules utilisées par les maîtres d'ouvrage pour le critère prix conduisent très souvent à choisir le moins-disant. Plus globalement, l'arrivée des acheteurs a profondément modifié les pratiques. La technique d'achat qui s'applique à des produits de masse standardisés ne convient absolument pas au BTP.

 

 

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